Consanguinité et accouplement assortatif
L’accouplement aléatoire par rapport à un locus est courant, mais il n’est pas universel. Il faut distinguer deux types de déviation de l’accouplement aléatoire. Premièrement, les individus peuvent s’accoupler entre eux de manière non aléatoire en raison de leur degré d’ascendance commune, c’est-à-dire de leur degré de parenté génétique. Si l’accouplement entre parents se produit plus souvent que par pur hasard, alors la population est consanguine. Si l’accouplement entre parents est moins fréquent que ne le ferait le hasard, on dit que la population subit une consanguinité forcée, ou consanguinité négative.
Deuxièmement, les individus peuvent avoir tendance à se choisir mutuellement comme partenaires, non pas en raison de leur degré de parenté génétique, mais en raison de leur degré de ressemblance entre eux à un certain locus. La tendance à l’accouplement des semblables avec les semblables est appelée accouplement assortatif positif. L’accouplement avec des partenaires différents est appelé accouplement assortatif négatif. L’accouplement assortatif n’est jamais complet.
La consanguinité et l’accouplement assortatif ne sont pas les mêmes. Les parents proches se ressemblent plus que les individus non apparentés en moyenne, mais pas nécessairement pour un trait particulier chez des individus particuliers. La consanguinité peut donc aboutir à l’accouplement d’individus assez dissemblables. D’autre part, les individus qui se ressemblent pour certains traits peuvent l’être parce qu’ils sont apparentés, mais les individus non apparentés peuvent aussi avoir des ressemblances spécifiques. Les frères et sœurs n’ont pas tous la même couleur d’yeux, et les personnes aux yeux bleus ne sont pas toutes apparentées les unes aux autres.
L’accouplement assortatif pour certains traits est courant. Chez les humains, il existe un biais d’accouplement assortatif positif pour la couleur de la peau et la taille, par exemple. Une différence importante entre l’accouplement assortatif et la consanguinité est que le premier est spécifique à un trait, alors que le second s’applique à l’ensemble du génome.Les individus peuvent s’accoupler de manière assortative en ce qui concerne la taille, mais de manière aléatoire en ce qui concerne le groupe sanguin. Les cousins, en revanche, se ressemblent génétiquement en moyenne au même degré à tous les loci.
Pour l’accouplement assortatif positif et la consanguinité, la conséquence sur la structure de la population est la même : il y a une augmentation de l’homozygotie au-dessus du niveau prédit par l’équilibre de Hardy-Weinberg. Si deux individus sont apparentés, ils ont au moins un ancêtre commun. Il y a donc une certaine chance qu’un allèle porté par l’un d’eux et un allèle porté par l’autre soient tous deux issus de la même molécule d’ADN. Il en résulte une probabilité supplémentaire d’homozygotie par descendance, qui s’ajoute à la probabilité d’homozygotie (p2 + q2) résultant de l’accouplement aléatoire d’individus non apparentés. La probabilité d’homozygotie par descendance est appelée coefficient de consanguinité (F). La figure 24-6 et l’encadré 24-5 illustrent le calcul de la probabilité d’homozygotie par descendance. Les individus I et II sont des fullsibs car ils partagent leurs deux parents. Nous étiquetons chaque allèle des parents de manière unique pour en garder la trace. Les individus I et II s’accouplent pour produire l’individu III. Si l’individu I est A1/A3 et que le gamète qu’il apporte à III contient l’allèleA1, nous souhaitons calculer la probabilité que le gamète produit par II soit également A1. La probabilité est de 1/2 que II reçoive A1 de son père et, si c’est le cas, la probabilité est de 1/2 que II transmette A1 au gamète en question. Ainsi, la probabilité que III reçoive un A1 de II est de 1/2 × 1/2 = 1/4 et c’est la chance que III – le produit d’un accouplement full-sib – soit homozygote par descendance.
Figure 24-6
Calcul de l’homozygotie par filiation pour une descendance (III) d’un accouplement frère-sœur (I-II). La probabilité que II reçoiveA1 de son père est de 1/2 ; si c’est le cas, la probabilité que II transmette A1 à la génération qui produit (suite…)
Boîte 24-5
Effet de l’accouplement de proches parents sur l’homozygotie.
Cette consanguinité étroite peut avoir des conséquences délétères. Considérons un allèle rare délétère a qui, lorsqu’il est homozygote, provoque un trouble métabolique. Si la fréquence de l’allèle dans la population est p, la probabilité qu’un couple aléatoire produise une progéniture homozygote est seulement p2 (à partir de l’équilibre de Hardy-Weinberg). Ainsi, si p est, disons, de 1/1000, la fréquence des homozygotes sera de 1 sur 1 000 000. Supposons maintenant que le couple soit frère et sœur. Si l’un de leurs parents communs est un hétérozygote pour la maladie, ils peuvent tous deux la recevoir et la transmettre à leur progéniture. Comme le montre le calcul, plus le gène est rare, plus le risque relatif d’avoir une descendance défectueuse par consanguinité est élevé. Pour les parents plus éloignés, le risque d’homozygotie par descendance est moindre, mais toujours aussi important. Pour les cousins germains, par exemple, le risque relatif est de1/16p par rapport à un accouplement aléatoire.
La consanguinité systématique entre parents proches finit par aboutir à une homozygotie complète de la population, mais à des rythmes différents, selon le degré de parenté. L’allèle qui est fixé au sein d’une lignée est une question de hasard. Si, dans la population d’origine d’où proviennent les lignées consanguines, l’allèleA a une fréquence p et l’allèlea une fréquenceq = 1 – p, alors une proportionp des lignées homozygotes établies par consanguinité seront homozygotes A/A et une proportionq des lignées seronta/a. La consanguinité prend la variation génétique présente au sein de la population d’origine et la convertit en variation entre des lignées consanguines homozygotes échantillonnées dans la population (figure 24-7).
Figure 24-7
Des générations répétées d’autofécondation (ou consanguinité) finiront par diviser une population hétérozygote en une série de lignées complètement homozygotes. La fréquence des lignéesA/A parmi les lignées homozygotes sera égale à la fréquence de l’allèle A dans la (suite…)
Supposons qu’une population soit fondée par un petit nombre d’individus qui s’accouplent au hasard pour produire la génération suivante. Supposons qu’aucune autre immigration dans la population ne se reproduise jamais. (Par exemple, les lapins que l’on trouve actuellement en Australie descendent probablement d’une seule introduction de quelques animaux au XIXe siècle). Dans les générations suivantes, donc, tout le monde est apparenté à tout le monde, parce que leurs arbres généalogiques ont des ancêtres communs ici et là dans leurs pedigrees. Une telle population est donc consanguine, dans le sens où il existe une certaine probabilité qu’un gène soit homozygote par descendance. Comme la population est, par nécessité, de taille finie, certaines des lignées familiales introduites à l’origine s’éteignent à chaque génération, tout comme les noms de famille disparaissent dans une population humaine fermée parce que, par hasard, il ne reste plus de descendants mâles. Au fur et à mesure que les lignées familiales d’origine disparaissent, la population se compose de descendants d’un nombre de plus en plus réduit d’individus fondateurs, et tous les membres de la population sont de plus en plus susceptibles de porter les mêmes allèles par descendance. En d’autres termes, le coefficient de consanguinité Fin augmente, et l’hétérozygotie diminue au fil du temps jusqu’à ce que finalementF atteigne 1,00 et l’hétérozygotie 0.
Le taux de perte d’hétérozygotie par génération dans une telle population fermée, finie et à reproduction aléatoire est inversement proportionnel au nombre total(2N) de génomes haploïdes, où N est alors le nombre d’individus diploïdes dans la population. A chaque génération,1/2N de l’hétérozygotie restante est perdue, donc
où Ht et H0 sont les proportions d’hétérozygotes dans les tème et première générations, respectivement. Lorsque le nombre t degénérations devient très grand, Ht s’approche dezéro.