L’air était immobile, le moment tendu. Une légion de troupes en haillons, fatiguées, regardaient, les yeux écarquillés et le souffle coupé, leur commandant crier, exigeant le meilleur d’eux-mêmes en agitant une torche au-dessus d’un baril de poudre à canon. Leurs muscles se tendent à chaque fois que la torche s’approche un peu trop près, au risque de faire exploser la poudre – mais ils regardent quand même, en silence, attentivement, fascinés par les explications de leur commandant : si cette bataille est perdue, il détruira le fort. S’ils perdent ici, la révolution est terminée, ainsi que leurs vies.
C’était la bataille de la Crête-à-Pierrot, le 11 mars 1802, et le commandant était Jean-Jaques Dessalines – l’homme qui allait bientôt devenir le leader de la révolution haïtienne. Dessalines était un ancien esclave, comme chacune des troupes sous son commandement, et leur tâche audacieuse était de mener la seule rébellion d’esclaves de l’histoire qui a réussi à établir un pays totalement indépendant. À la Crête-à-Pierrot, Dessalines et 1 300 de ses troupes ont repoussé un bataillon de l’armée française fort de 18 000 hommes, et ont brisé leurs lignes – une victoire pivotante dans leur bataille pour la liberté.
Peu de temps après, Dessalines deviendrait empereur de la nation libre d’Haïti. Sa victoire célébrée et l’esclavage terminé, des fortifications ont été construites au sommet des villes comme défense contre les armées européennes attaquantes. Dessalines est peut-être la plus célèbre de ces villes. La capitale de la nouvelle nation et une fortification massive, Dessalines a été nommée d’après le chef de la rébellion, et porte encore son nom aujourd’hui.
La Dessalines moderne est une ville fonctionnelle de plus de 20 000 personnes, mais dont le passé historique entoure littéralement la petite ville.
Tout autour de Dessalines se trouvent des collines et des montagnes escarpées, au sommet desquelles se trouvent des forts historiques qui défendaient autrefois la ville pendant et après la rébellion des esclaves. Cinq forts au total, ainsi que plusieurs sites historiques et statues à travers la ville, font de Dessalines un mémorial vivant et respirant de Jean-Jacques et de la révolution.
Chacun des forts sont maintenant des sites historiques, toujours situés au sommet des montagnes qui garantissaient la sécurité de l’ancienne ville impériale et dans la période après la révolution, les forts étaient également des résidences de personnages célèbres de l’histoire d’Haïti.
Situé sur le point le plus élevé de la colline, le fort « Le bout du monde » est la plus grande hauteur de la ville. Le fort « Innocent » était placé sous le commandement du premier fils de Dessalines, qui se nommait Innocent. Son emplacement permettait de contrôler toute la vallée de l’Artibonite. Le troisième fort, « Madame Ti » était la maison et la propriété de l’impératrice, tandis que le fort « Doco », situé à Morne Docomond, était destiné à sécuriser le fort « Madame Ti. »
Enfin, le fort « Flipped » se trouvait sur la pente de la colline entourant la cité impériale. Il fut détruit en 1946 lors de la construction de la route Marchand St-Michel-de-Attalaye. Aujourd’hui, des ruines du fort « Flipped » subsistent, mais les terrains sont fréquentés pour des cérémonies vaudoues.
Ensemble, cet anneau de fortifications démontre non seulement à quel point la nouvelle nation d’Haïti prenait au sérieux la menace d’un retour des Français, mais aussi à quel point leurs fortifications allaient être minutieusement planifiées et redoutables.
Bien qu’il s’agisse maintenant de sites historiques et de ruines d’un temps passé, l’héritage de la rébellion des esclaves vit tout autant dans ces rappels que dans le cœur et l’âme du peuple de la nation. Les forts qui subsistent aujourd’hui sont une partie durable de la légende qui a commencé avec un homme, et son insistance motivante qu’il était prêt à détruire ces mêmes forts s’il ne pouvait pas avoir la liberté.