Lémuriens de compagnie : L’animal de compagnie à regretter

Ce lémurien sur Craigslist ? Ne vous laissez pas berner – il fait un terrible animal de compagnie
By Will Goodwin, stagiaire en communication 2019 et Sara Clark

Il est difficile de regarder un lémurien à queue annelée et de ne pas avoir envie d’en tenir un. Avec leur pelage, leur nez noir à boutons et leurs yeux de raton laveur, on ne peut s’empêcher de s’imaginer en ramener un chez soi et le gratter derrière ses oreilles touffues. Ce qui est surprenant, c’est qu’il est très facile de faire cela. Dans certains États des États-Unis, dont la Caroline du Nord, il est parfaitement légal de posséder un animal aussi menacé et exotique qu’un lémurien. En fait, on estime à 15 000 le nombre de primates de compagnie aux États-Unis, et il est relativement facile d’en acheter un : quelques milliers de dollars et un voyage dans une animalerie en ligne suffisent.

Ce que beaucoup de gens ne réalisent pas, c’est que, malgré sa légalité, garder un lémurien comme animal de compagnie peut être dévastateur à la fois pour l’animal et pour le propriétaire. Voici pourquoi :

Les lémuriens sont en danger

Les lémuriens constituent le groupe de mammifères le plus menacé sur Terre, avec 95% des espèces confrontées à un risque élevé d’extinction. Bien qu’il soit illégal de les garder comme animaux de compagnie à Madagascar, des milliers de lémuriens ont été illégalement retirés de leurs habitats sauvages et gardés dans le pays comme animaux domestiques ou comme attractions touristiques dans les hôtels et restaurants malgaches.

Beaucoup de choses ont été écrites sur l’impact sérieux et négatif du commerce des animaux de compagnie sur la conservation des lémuriens dans tout Madagascar. Cet article aborde un problème connexe, mais différent, encore plus proche de nous : le commerce des lémuriens de compagnie ici même aux États-Unis.

Les lémuriens ont besoin des lémuriens

Même si la plupart des lémuriens de compagnie vendus aux États-Unis sont élevés dans ce pays, cela ne rend pas le problème moins grave. Un bébé lémurien destiné à devenir un animal de compagnie est retiré de sa mère le jour de sa naissance – et cette séparation précoce traumatisante peut avoir de graves conséquences physiologiques et comportementales tout au long de la vie de l’animal.

« Pour être psychologiquement sains, les lémuriens ont besoin d’une longue période de contact maternel et d’apprentissage », explique Cathy Williams, DVM, directrice des soins et du bien-être des animaux au DLC. « Les mères lémuriennes portent constamment leurs bébés pendant les quatre premiers mois, et ce contact est essentiel pour un développement et un comportement normaux. » La séparation d’un lémurien nouveau-né de sa mère altère de façon permanente le développement cérébral du bébé, et les lémuriens de compagnie développent souvent de profonds problèmes sociaux et psychologiques.

Les nourrissons élevés par les humains sont souvent maintenus isolés de tous les autres lémuriens, et pas seulement de leur mère – une mauvaise nouvelle pour un primate qui, à l’état sauvage, vit dans des groupes familiaux naturels et forme des liens forts avec les autres membres de son espèce. « Ce sont des animaux sociaux », explique le coordinateur de la conservation du DLC, Charlie Welch, qui a vu de nombreux lémuriens de compagnie à Madagascar au fil des ans. « Ils ont besoin d’être entourés d’autres lémuriens. »

« Vous ne pouvez pas être un compagnon pour un lémurien comme vous pouvez l’être pour un chien ou un chat domestiqué », ajoute la conservatrice de la gestion comportementale du DLC, Meg Dye. Les lémuriens ont des habitudes et des structures sociales complexes innées, qui ne peuvent être satisfaites par les humains. L’isolement des autres lémuriens peut avoir de graves conséquences, notamment le développement de stratégies d’adaptation néfastes telles que l’arpentage répétitif, le toilettage excessif (léchage excessif ou arrachage de poils) et l’automutilation (mordre ou mâcher leur queue ou leurs membres).

« Un lémurien élevé par l’homme, dit Cathy, sera physiquement et psychologiquement mal développé – c’est tout simplement mauvais pour l’animal. »

Les lémuriens sont des animaux sauvages

Il est important de comprendre la différence entre domestication et accoutumance. Chiens, chats, moutons, chevaux, ces animaux ont été domestiqués. Cela signifie que, sur de longues périodes, la sélection naturelle et l’élevage sélectif ont éliminé les animaux dont le tempérament n’était pas adapté à la vie aux côtés des humains.

Lorsque vous voyez un animal sauvage être « gentil » avec un humain, il s’est probablement habitué aux humains. Ce coyote, ce dauphin ou cet ours noir s’est habitué à la présence de l’homme, et dans certains cas, il peut même être dressé. Mais ses instincts sauvages innés ne disparaîtront jamais, ce qui peut rendre les animaux sauvages habitués imprévisibles, voire dangereux. Un exemple célèbre est Mantecore, un tigre blanc qui a joué dans les légendaires spectacles de magie de Siegfried et Roy à Las Vegas. Lors d’une représentation en direct en 2003, Mantecore – alors âgé de sept ans et ayant passé toute sa vie avec des humains, notamment en étant nourri au biberon lorsqu’il était petit – a attaqué Roy Horn, paralysant le performeur et mettant fin à la carrière de Horn.

De même, vous pouvez parfois voir des photos ou des vidéos de jeunes lémuriens habitués agissant affectueusement envers leurs propriétaires. Pourtant, ces lémuriens restent des animaux sauvages. « Il y a beaucoup de risques que vous assumez si vous essayez d’apprivoiser un animal sauvage », explique Cathy. Ce qui nous amène à…

Les lémuriens deviennent agressifs

Les lémuriens sont des créatures orientées vers la dominance. Leur structure sociale bien ancrée nécessite un alpha, généralement une femelle. Alors que les lémuriens de compagnie peuvent sembler calmes et satisfaits en tant que nourrissons, lorsqu’ils atteignent la maturité sexuelle (généralement entre deux et quatre ans), ils commencent à avoir besoin de structure et à affirmer leur domination. En l’absence d’autres lémuriens, ils peuvent tenter d’établir leur domination sur leurs propriétaires de la même manière que les lémuriens le font naturellement avec d’autres lémuriens : en s’élançant, en poursuivant, en saisissant et en mordant.

« Assez fréquemment, nous recevons des appels de propriétaires de lémuriens qui demandent comment gérer leur animal maintenant qu’il a commencé à les mordre ou à les griffer, ou qui se demandent où ils peuvent envoyer un lémurien dont ils ne veulent plus », explique Megan McGrath, responsable des programmes éducatifs au DLC. « Je me souviens d’un appel, ils ont dit ‘Je suis coincé dans ma salle de bain et il est à l’extérieur de la porte. Comment puis-je m’échapper ?' »

Les risques ne se limitent pas aux propriétaires de lémuriens. Une jeune femme a récemment contacté le Lemur Center après avoir été sautée et mordue par le lémurien de compagnie d’un étranger à l’intérieur d’une supérette dans l’Ohio. En Floride, un lémurien de compagnie échappé a attaqué une étudiante en médecine de 21 ans devant la maison de ses grands-parents. « Il était sur moi pendant une bonne minute », a-t-elle déclaré. « C’était l’une des choses les plus effrayantes que j’ai vécues. » Et un lémurien de compagnie nommé Keanu a mordu une femme dans un magasin de consignation au Texas en 2015, entraînant une blessure de trois pouces qui « était si profonde que le médecin a pu mettre son doigt à l’intérieur. » Auparavant, Keanu avait attaqué une factrice après que sa propriétaire « a oublié de verrouiller la porte de la chambre de Keanu, et quand elle a détourné le regard, il a couru vers la voiture, a sauté dedans et l’a mordue. »

Si un lémurien ou un autre primate de compagnie blesse quelqu’un, les responsables de la santé publique exigent souvent que l’animal soit remis ou euthanasié. L’espace dans les sanctuaires réputés est extrêmement limité, et les zoos et les installations d’élevage de conservation comme le DLC ne peuvent pas accepter les lémuriens ex-pets. Presque toujours, l’animal est le perdant ultime.

Les lémuriens coûtent cher

Selon l’American Kennel Club, garder un chien moyen en bonne santé et épanoui vous coûtera 15 000 $ sur une durée de vie typique de treize ans. En revanche, s’ils sont bien soignés, les prosimiens pris en charge par l’homme peuvent vivre 25 ans ou plus. Ici, au Duke Lemur Center, la santé et le bien-être général d’un seul lémurien peuvent coûter plus de 200 000 dollars sur toute sa durée de vie, et nous avons la possibilité d’acheter de la nourriture en gros.

Les lémuriens puent

Si l’étiquette de prix ne vous rebute pas, sachez ceci : les lémuriens puent. La plupart des espèces de lémuriens communiquent par marquage olfactif. Les lémuriens à queue annelée sont l’une des espèces les plus recherchées pour la propriété. Les mâles ont des glandes odorantes dans les poignets et sur la poitrine et les femelles ont des glandes odorantes directement sous la queue, près de l’anus. Ils frottent ces glandes sur les surfaces pour marquer leur territoire. Dans la nature, ils peuvent empester un arbre. Chez vous, ils peuvent décider de marquer votre canapé à l’odeur.

En plus du marquage olfactif avec leurs glandes, les lémuriens font du marquage urinaire tout aussi fréquemment. Certaines espèces, comme les lémuriens à collerette, ont des selles molles et éclaboussantes – et les lémuriens ne peuvent pas être dressés à la maison ou à la litière.

Et parce que ce sont des primates comme nous, les humains et les lémuriens peuvent facilement se transmettre des maladies, notamment la tuberculose et les infections intestinales comme la giardia. La transmission peut se faire par contact direct, comme toucher des matières fécales, ou indirect, en respirant le même air.

Les soins vétérinaires pour les lémuriens sont difficiles à trouver

Pensez à la fréquence à laquelle les chiens ou les chats tombent malades et sont emmenés chez le vétérinaire ; les lémuriens ne sont pas différents. Pourtant, très peu d’hôpitaux vétérinaires acceptent de traiter les primates en raison de la possibilité de transmission de maladies aux humains et du risque de blessure pour le personnel. « Les dents des lémuriens sont faites pour trancher », explique Cathy. « Les lémuriens sont également forts, ils peuvent donc être difficiles à contrôler. »

Récemment, le propriétaire d’un lémurien de compagnie a demandé de l’aide pour diagnostiquer la toxoplasmose (une infection parasitaire) via la page Facebook de la DLC, car « tous les vétérinaires avec lesquels je travaille ne s’occupent pas des exotiques ». Même parmi les vétérinaires spécialisés dans les animaux exotiques, beaucoup refusent de voir des primates ; ceux qui le font en savent souvent très peu sur les maladies des lémuriens ou sur la façon de les traiter.

S’occuper des lémuriens est un travail difficile tous les jours

Entre le nettoyage des enclos, les interactions sociales appropriées, les soins médicaux de routine et d’urgence, et la préparation et l’alimentation d’un régime approprié, les soins aux lémuriens sont une responsabilité qui change la vie 365 jours par an. Une propriétaire ne peut pas légalement conduire avec son lémurien à travers les frontières de l’État sans permis, ou emmener son lémurien dans une pension lorsqu’elle part en vacances.

Même fournir à un lémurien une alimentation quotidienne appropriée est compliqué. Il arrive que des propriétaires nous contactent, ayant déjà acheté un lémurien de compagnie, sans savoir quoi lui donner à manger. Dans un cas, les propriétaires d’un lémurien à queue annelée nommé Milo le nourrissaient de pizza et de crème glacée. Dans une émission de télé-réalité filmée dans l’est de la Caroline du Nord, on voit un lémurien manger une tranche de bacon.

Le fait que les lémuriens de compagnie aient tendance à avoir de graves problèmes nutritionnels pour avoir été nourris avec des régimes inappropriés exacerbe le problème de l’accès limité à des soins vétérinaires qualifiés. Malheureusement, cela peut conduire à ce que des lémuriens de compagnie privés développent une foule de maladies, notamment l’obésité et le diabète, et meurent prématurément.

Comment vous pouvez aider

Si vous voulez un animal de compagnie, choisissez un animal domestique et non un animal sauvage ou exotique. Mais avant de ramener un compagnon à la maison, faites vos recherches pour vous assurer que vous êtes prêt à répondre à ses besoins. Même les animaux domestiques apparemment « simples », comme les cochons d’Inde, sont des animaux sociaux et grégaires qui se débrouillent mieux en couple ou en groupe et qui ont besoin de beaucoup d’espace, d’enrichissement et d’une alimentation de qualité (foin, granulés, fruits et légumes frais) tous les jours.

Même si vous ne possédez jamais vous-même un lémurien de compagnie, vous pouvez faire certains choix pour réduire l’intérêt des autres pour les lémuriens comme animaux de compagnie :

Évitez les « rencontres » directes avec les primates, comme les toucher ou les nourrir : L’Association des zoos et aquariums (AZA) a signalé que le fait de voir des lémuriens en contact avec des humains augmente la perception du public qu’ils conviennent comme animaux de compagnie. Évitez les entreprises et les parcs animaliers qui proposent des contacts avec les lémuriens ou d’autres animaux sauvages, comme du yoga avec des lémuriens ou des « rencontres » pratiques impliquant de toucher ou de nourrir les animaux.

Ne « likez » pas et ne partagez pas d’images de primates dans des environnements humains : Les vidéos et les selfies où les humains et les animaux sont en contact direct deviennent tout le temps viraux. Après qu’un clip d’un lémurien à queue annelée semblant faire un geste pour qu’un enfant le caresse a accumulé des millions de vues, il y a eu une augmentation spectaculaire des recherches Google pour l’expression « lémurien de compagnie ». La prochaine fois que vous verrez la vidéo d’un lémurien de compagnie dans une baignoire ou la photo d’un lémurien à queue en couche perché sur l’épaule de quelqu’un, ne la partagez pas. Des lignes directrices publiées en janvier 2020 par l’Union internationale pour la conservation de la nature, une autorité mondiale en matière de protection de la vie sauvage, expliquent comment de telles représentations alimentent les idées fausses du public selon lesquelles les primates sont des animaux de compagnie, des compagnons de jeu et des accessoires de photo.

Sources

L’Association des zoos et aquariums (AZA) définit les animaux de compagnie comme « des animaux gardés par des humains pour le plaisir ou la compagnie » et estime à 15 000 le nombre de primates non humains détenus par des particuliers aux États-Unis. Ceux-ci peuvent être « facilement obtenus » par le grand public par le biais « d’annonces en ligne, d’animaleries et d’attractions routières ». Le problème ne se limite pas aux lémuriens, car « les espèces de primates non humains les plus couramment conservées en possession personnelle comprennent les ouistitis, les tamarins, les lémuriens, les capucins, les singes écureuils, les macaques, les babouins et les chimpanzés. »

Déclaration de position officielle : Le Duke Lemur Center est contre tout commerce de primates de compagnie, et contre la détention de tout prosimien (lémurien, loris, bushbaby, potto) comme animal de compagnie. Pour en savoir plus, veuillez lire la déclaration de position officielle du DLC sur les lémuriens de compagnie.