En mai 2012, le journaliste italien Gianluigi Nuzzi a publié un livre intitulé Sa Sainteté : Les papiers secrets de Benoît XVI, qui comprenait des lettres et des mémos révélateurs destinés au pape Benoît, à Gänswein et à d’autres personnes. Le Palais apostolique y est présenté comme une fosse à serpents où règnent la jalousie, les intrigues et les luttes intestines. On y trouve des détails sur les finances personnelles du pape, y compris des tentatives de pots-de-vin pour des audiences papales privées. En janvier 2013, la banque centrale italienne a suspendu tous les paiements bancaires à l’intérieur de la Cité du Vatican pour le non-respect par l’Église de la réglementation « anti-blanchiment ».
Bénédicte avait commandé un rapport sur l’état de la Curie à trois cardinaux de confiance. Il a atterri sur son bureau en décembre 2012, et sa démission a suivi deux mois plus tard.
C’est de cet état de fait qu’a hérité le cardinal-archevêque Jorge Bergoglio le 13 mars 2013. Lorsqu’il est apparu pour la première fois sur le balcon du Vatican, il ne portait que sa soutane blanche : il avait refusé de porter la traditionnelle cape écarlate bordée d’hermine, et n’a porté l’étole papale que quelques instants. Il a salué la foule et lui a dit un simple « Buona sera ». Il a ensuite demandé à la foule de prier pour lui et de bien dormir. Plus tard, il s’est rendu à l’hôtel où il avait séjourné pour récupérer ses bagages et payer la note. C’était un nouveau style de papauté, et la Curie n’allait pas aimer ça.
Jorge Bergoglio est né à Buenos Aires en 1936, fils de migrants originaires du district du Piémont, dans le nord-ouest de l’Italie. Sa grand-mère était descendue du bateau dans la chaleur d’un été argentin, portant un manteau de fourrure doublé du produit en espèces de la vente de la maison et de l’entreprise italienne de la famille. Jorge était un garçon pendant la dictature de Juan Perón, un régime qui frisait le fascisme tout en se considérant comme socialiste. Après avoir obtenu un diplôme de chimie à l’école technique, Jorge pensait faire des études de médecine. Mais après un moment de Damas lors du sacrement de la confession, il entre au noviciat des jésuites, s’engageant dans la formation de 15 ans pour la prêtrise.
À 36 ans, il est nommé à la tête des jésuites en Argentine. Dans un renversement du passage de Benoît de progressiste à conservateur, François a commencé comme un martinet, insistant sur une tenue cléricale correcte et des études traditionalistes étroites en latin. La « sale guerre », dans laquelle le gouvernement argentin s’est lancé dans une lutte contre les dissidents et les personnes soupçonnées de subversion, l’a changé. De nombreux prêtres ont été emprisonnés et tués, et beaucoup de ses paroissiens ont disparu. Il a été accusé de ne pas avoir fait assez pour combattre le régime, mais ses défenseurs affirment qu’il menait une double vie, aidant où il pouvait en secret. Il s’est fait connaître pour son style pastoral non conventionnel, se déplaçant en transports publics, vivant simplement, cuisinant pour lui-même. Il était proche des pauvres et des marginaux. On l’a vu la nuit, assis sur un banc, conseiller des prostituées dans le quartier chaud. Lorsqu’on lui a demandé de se décrire après son élection comme pape, il a répondu : « Je suis un pécheur. »
Grâce aux visions opposées des deux papes, les catholiques sont confrontés à un choix entre la poursuite d’une orthodoxie ardente, du type de celle prônée par Benoît, et l’acceptation d’une version plus douce et plus humaniste de leur religion, prêchée par François. Comme l’a fait remarquer le philosophe catholique Charles Taylor, le conservatisme religieux a la même tendance que tous les fondamentalismes : celle de blesser et de s’automutiler. Le libéralisme religieux comporte le danger du relativisme. Le contraste entre les approches spirituelles des deux papes est démontré par l’exemple d’excellence cléricale choisi par Benoît XVI : Saint Jean Marie Vianney. Prêtre de l’ère post-Révolution française, Vianney se flagellait la nuit jusqu’à ce que le sang coule sur les murs. Il dormait avec une pierre en guise d’oreiller et se nourrissait de pommes de terre bouillies froides. Il a transformé sa paroisse en un camp d’entraînement spirituel, interdisant l’alcool et la danse.
Le saint préféré de François est saint François d’Assise, avec son insistance à prendre soin des pauvres et à vivre en harmonie avec toutes les créatures vivantes. Le pape François a fréquemment prêché contre la destruction de l’environnement. Il a du respect, et non une simple tolérance, pour les autres religions. Lors de la cérémonie du lavement des pieds de la première messe du jeudi saint de son pontificat, en 2013, François a inclus deux musulmans et deux femmes, à l’horreur de ses détracteurs.
Au moment de sa démission, en 2013, Benoît XVI a invoqué la diminution de ses forces, mais il n’a montré, et continue de montrer, aucun signe d’incapacité. En fait, à 91 ans, il semble remarquablement sprinté. Dans The Last Testament, un livre publié en 2016 avec le journaliste Peter Seewald, Benoît XVI a déclaré que son médecin l’avait mis en garde contre le fait de faire le long voyage pour assister aux Journées mondiales de la jeunesse à Rio en 2013 – ce qui n’est guère une raison pour prendre une mesure aussi importante sur le plan historique que la vacance de la papauté. En octobre 2017, le cardinal Walter Brandmüller, un proche confident de Benoît XVI, a déclaré dans une interview que le statut de « pape émérite » était une invention sans précédent. Dans une correspondance ayant récemment fait l’objet de fuites, Benoît XVI a répondu de manière teste aux commentaires de Brandmüller le 9 novembre 2017, écrivant que des papes s’étaient retirés par le passé, quoique rarement : « Qu’étaient-ils après ? Pape émérite ? Ou quoi d’autre ? . . . Si vous connaissez un meilleur moyen, et que vous croyez pouvoir juger celui que je choisis, dites-le moi. »