Discussion
Dans la plupart des circonstances, les cliniciens s’appuient sur la concentration sérique de bicarbonate pour évaluer le trou anionique et la composante métabolique d’un trouble acido-basique. Ce cas illustre comment un trouble acido-basique métabolique mixte pourrait être évalué sans connaître le taux de bicarbonate sérique en utilisant l’équation Delta Gap (DG). Chez les patients présentant une acidose métabolique à trou anionique connue, la valeur du bicarbonate sérique (HCO3-) dans l’équation DG s’annule, ne nécessitant ainsi que deux valeurs sériques (Na+ et Cl-) pour évaluer les troubles acido-basiques métaboliques concomitants.
La détermination du trou anionique (AG) est l’une des étapes initiales, et très importante, du diagnostic différentiel des troubles acido-basiques.1 Le concept de l’AG repose sur les hypothèses suivantes : La concentration totale d’anions et de cations dans le plasma est égale, et certains des anions et des cations ne peuvent pas être mesurés. La différence entre la concentration des anions et des cations non mesurés peut être estimée en calculant l’AG représentant la différence entre les cations mesurés primaires et les anions mesurés primaires. Par convention, AG=Na+-(Cl-+ HCO3-). Une AG normale reflète principalement la concentration des tampons non bicarbonatés, notamment l’albumine, le phosphate, le sulfate et d’autres acides organiques.
Une AG élevée représente généralement une accumulation anormale d’anions non mesurés endogènes ou exogènes et indique un trouble primaire (une acidose métabolique), indépendamment du pH ou du bicarbonate sérique (HCO3-).2 L’augmentation substantielle des anions non mesurés s’accompagnera d’une diminution équimolaire du bicarbonate, à moins que le taux de bicarbonate ne soit modifié par un autre trouble acido-basique métabolique concomitant. Par conséquent, lorsqu’une acidose métabolique AG est diagnostiquée, il est impératif de rechercher la présence d’autres anomalies acido-basiques (appelées troubles acido-basiques métaboliques mixtes). Les équations détaillées ci-dessous peuvent être utilisées pour évaluer la présence et la nature des troubles acido-basiques mixtes.3
Pour les deux formules : ΔAG(excès d’écart anionique)=AG(écart anionique réel)-12(écart anionique normal) et ΔHCO3-(déficit en bicarbonate)=24(taux normal de bicarbonate)-HCO3-(taux réel de bicarbonate). Il est bien connu qu’en utilisant l’équation d’Henderson ( = k x pCO2), le niveau de bicarbonate (HCO3-) peut être calculé à partir de pH et de pCO2 connus. Cependant, l’équation décrit une solution idéale et comporte de multiples approximations et hypothèses limitant sa précision dans certaines circonstances, notamment dans un contexte clinique. De plus, les échantillons de sang prélevés dans la circulation artérielle (pour l’analyse des gaz du sang artériel (ABG)) et veineuse (pour le panel métabolique) peuvent produire des différences substantielles dans les valeurs utilisées pour les calculs.4 C’est pourquoi il est recommandé d’utiliser le taux de bicarbonate mesuré plutôt que calculé. La plupart des analyseurs ABG calculent le HCO3- à partir du pH et de la pCO2. Dans notre cas, nous ne disposons pas du taux de bicarbonate mesuré à utiliser dans nos calculs. Cependant, l’avantage évident de l’utilisation de l’équation Delta Gap (DG) par rapport au Delta Ratio est qu’elle peut être facilement simplifiée pour être utilisée avec des données limitées sans détermination du taux de bicarbonate.
Les résultats doivent être interprétés de la même manière que pour les calculs de DG : Si le DG est significativement positif (>+6), on est généralement en présence d’une alcalose métabolique car l’augmentation de l’AG est supérieure à la diminution de l’HCO3-. Inversement, si le DG est significativement négatif (<-6), alors une acidose hyperchlorémique est généralement présente car l’augmentation de AG est inférieure à la diminution de HCO3-.5 L’équation DG modifiée est un moyen très pratique et rapide d’estimer les troubles acido-basiques métaboliques mixtes ainsi que la dynamique de leur développement (par des calculs en série). Cependant, elle ne peut être utilisée que si les preuves cliniques et autres de l’acidose métabolique AG sous-jacente sont toujours présentes. Dans notre cas, le DG après l’arrêt cardiaque était de +12. Cela représente une acidose métabolique AG avec alcalose métabolique. Avant l’arrêt cardiaque, le DG était de +4, ce qui représente uniquement une acidose métabolique AG. Tout ceci nous permet de conclure qu’entre les deux tests, le patient a développé une alcalose métabolique, ce qui était explicable par d’autres données cliniques (principalement par l’utilisation du bicarbonate de sodium pendant les mesures ACLS).