En parlant d’énergumènes.
Chère Détective des Mots : Cet après-midi, alors que deux de mes amis et moi attendions avant une répétition de la chorale, essayant de nous souvenir des pas d’une danse baroque que nous avions apprise cet été, quelqu’un s’est assis au piano et a commencé à jouer un morceau de Kabalevsky que nous avons supposé être une gymnopédie. Nous avons commencé à spéculer sur les origines de « gymnopédie », qui semblait être un drôle de nom pour un morceau de musique calme. Le mieux que nous ayons pu faire est de penser que cela avait quelque chose à voir avec « gymnos », qui signifie « non vêtu » en grec, mais nous ne pouvions pas imaginer quoi. Veuillez éclairer quelques musiciens étymologiquement perplexes.- Elizabeth Lightwood.
Bonne question, et merci pour l’occasion d’ajouter « gymnopedie » au dictionnaire de mon correcteur orthographique. Et « Kabalevsky », bien sûr, que pour une raison quelconque, il veut changer en mon choix de « Lobachevsky » ou « Dostoevsky ». Typique. Je remarque qu’il ne fait pas de crise pour « Madonna » ou « The Beatles ». Je suppose que je devrais lui reconnaître le mérite d’avoir reconnu Lobachevsky, mais c’est probablement juste parce qu’il a été programmé par des cinglés des maths. Huh. Il semble aimer « weirdo ». Je reste sur ma position.
Parlant d’omissions, j’ai été légèrement surpris que vous posiez une question sur la « gymnopédie » et que vous ne mentionniez pas le compositeur français Erik Satie (1866-1925). En tant que musiciens, vous et vos amis connaissez sans doute les trois « Gymnopédies » de Satie, des pièces calmes et impressionnistes pour piano solo publiées à partir de 1888 et qui sont probablement les œuvres les plus connues de Satie. Ce que l’on sait moins, c’est que Satie semble avoir inventé lui-même le terme « gymnopédie ». Mais on ne sait pas très bien ce qu’il entendait par là. En fait, des articles savants ont été écrits pour débattre de la manière exacte dont Satie a trouvé ce mot.
Satie était, de l’avis général, un canard étrange mais intelligent. Une anecdote célèbre, probablement au moins partiellement apocryphe, raconte la première visite de l’aspirant compositeur, en 1887, à la boîte de nuit Le Chat Noir, à l’époque l’épicentre de la scène musicale parisienne. Selon l’histoire, Satie, qui n’avait alors aucune réputation artistique, s’arrangea pour que son arrivée soit annoncée par un ami avec les mots « Erik Satie, gymnopédiste ». Rodolphe Salis, le redoutable propriétaire du Chat Noir, aurait été temporairement décontenancé, pour finalement répondre : « C’est une sacrée occupation ! »
La prétendue occupation de Satie était en effet impressionnante. Les « Gymnopaedia » étaient des danses exécutées lors de festivals dans la Grèce antique par des jeunes hommes dépourvus, pour l’occasion, de tout vêtement (« gymnos », nu, plus « pais », jeunesse). C’est le même « gymnos », d’ailleurs, qui nous a donné « gymnasium », d’après l’habitude des Grecs anciens de faire de l’exercice tout nu.
Satie a choisi ce mot pour impressionner la foule, ce qu’il a certainement fait, mais ce qu’il voulait dire, le cas échéant, reste un mystère. L’ami de Satie, Contamine de Latour, avait récemment utilisé le terme « Gymnopédie » dans un poème que Satie aurait probablement lu, et tout érudit musical aurait été familier avec les danses anciennes. Plus probablement, Satie a simplement choisi le terme pour son absurdité et ses connotations risquées.
Pris par sa propre invention, et poussant peut-être un peu le shtick, Satie a publié l’année suivante la première de ses trois « Gymnopédies », les pièces pour piano qui lui ont apporté la célébrité qu’il convoitait et qui restent immensément populaires aujourd’hui. Au passage, une belle vidéo d’ABC Classics qui utilise la Gymnopédie n° 1 comme partition peut être trouvée en cherchant sur YouTube » The Colours of Autumn – Gymnopedie No.1″ ou en cliquant simplement ici
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