Napoléon a régné pendant 15 ans, clôturant le quart de siècle tant dominé par la Révolution française. Ses propres ambitions étaient d’établir une dynastie solide en France et de créer un empire dominé par les Français en Europe. À cette fin, il n’a cessé de consolider son pouvoir personnel, se proclamant empereur et dessinant une nouvelle aristocratie. Il est presque constamment en guerre, la Grande-Bretagne étant son adversaire le plus acharné, mais la Prusse et l’Autriche rejoignant également des coalitions successives. Jusqu’en 1812, ses campagnes sont généralement couronnées de succès. Bien qu’il commette fréquemment des erreurs de stratégie, notamment dans la concentration des troupes et le déploiement de l’artillerie, il est un maître tacticien, arrachant à plusieurs reprises la victoire à la défaite initiale lors des grandes batailles. La France napoléonienne annexe directement des territoires dans les Pays-Bas et en Allemagne occidentale, appliquant intégralement la législation révolutionnaire. Des royaumes satellites sont créés dans d’autres régions d’Allemagne et d’Italie, en Espagne et en Pologne. Ce n’est qu’à partir de 1810 que Napoléon dépasse clairement les bornes. Son empire suscite de nombreuses inimitiés et, dans l’Espagne conquise, un important mouvement de guérilla harcèle ses forces. La Russie, brièvement alliée, devient hostile, et une tentative d’invasion en 1812 échoue lamentablement dans le froid de l’hiver russe. Une nouvelle alliance se forme entre les autres grandes puissances en 1813. La France tombe devant les forces d’invasion de cette coalition en 1814, et Napoléon est exilé. Il revient de façon spectaculaire, pour être vaincu à Waterloo en 1815 ; son règne a finalement pris fin.
Le régime de Napoléon a produit trois réalisations majeures, en dehors de ses nombreux épisodes militaires. Premièrement, il a confirmé de nombreux changements révolutionnaires au sein même de la France. Napoléon était un dictateur, ne maintenant qu’un simulacre de parlement et contrôlant rigoureusement la presse et l’assemblée. Bien que certains principes libéraux essentiels aient été ignorés, l’égalité devant la loi a été pour l’essentiel renforcée par les nouveaux codes législatifs de Napoléon ; les privilèges héréditaires entre hommes adultes appartiennent désormais au passé. Un gouvernement fortement centralisé recrute des bureaucrates en fonction de leurs capacités. De nouveaux établissements d’enseignement, sous le contrôle de l’État, donnent accès à une formation bureaucratique et technique spécialisée. La liberté de religion survit, malgré quelques conciliations avec l’opinion catholique romaine. La liberté du commerce intérieur et les encouragements à l’innovation technique allient l’État à la croissance commerciale. Les ventes de terres ecclésiastiques furent confirmées, et la France rurale émergea comme une nation de propriétaires paysans fortement indépendants.
Les conquêtes de Napoléon cimentèrent la diffusion de la législation révolutionnaire française dans une grande partie de l’Europe occidentale. Les pouvoirs de l’église catholique romaine, des guildes et de l’aristocratie manoriale passèrent sous le feu des armes. L’ancien régime était mort en Belgique, dans l’ouest de l’Allemagne et dans le nord de l’Italie.
Enfin, des conquêtes plus larges modifient définitivement la carte européenne. Les royaumes de Napoléon consolidèrent des territoires épars en Allemagne et en Italie, et le fouillis d’États divisés ne fut jamais rétabli. Ces développements, mais aussi le ressentiment à l’égard de la domination napoléonienne, suscitent un nationalisme croissant dans ces régions, ainsi qu’en Espagne et en Pologne. La Prusse et la Russie, moins touchées par les nouvelles idéologies, introduisent néanmoins d’importantes réformes politiques afin de renforcer l’État pour résister à la machine de guerre napoléonienne. La Prusse développe son système scolaire et modifie le servage ; elle commence également à recruter des armées plus importantes. La Grande-Bretagne est moins touchée, protégée par sa puissante marine et une économie industrielle en expansion qui a finalement contribué à user Napoléon ; mais, même en Grande-Bretagne, l’exemple révolutionnaire français a suscité une nouvelle vague d’agitation démocratique.
En 1814-15, les puissances victorieuses se réunissent au Congrès de Vienne pour tenter de recomposer l’Europe, bien qu’il ne soit pas question de restaurer littéralement le monde qui existait avant 1789. Les États régionaux allemands et italiens sont confirmés comme tampon à toute future expansion française. La Prusse gagne de nouveaux territoires en Allemagne occidentale. La Russie reprend la majeure partie de la Pologne (précédemment divisée, à la fin du 18e siècle, jusqu’à la brève incursion de Napoléon). La Grande-Bretagne acquiert certaines anciennes colonies françaises, espagnoles et néerlandaises (dont l’Afrique du Sud). La dynastie des Bourbons est rétablie sur le trône de France en la personne de Louis XVIII, mais les lois révolutionnaires ne sont pas abrogées, et un parlement, bien que fondé sur un suffrage très étroit, proclame une monarchie constitutionnelle. Le traité de Vienne a déçu les nationalistes, qui espéraient une nouvelle Allemagne et une nouvelle Italie, et il a certainement découragé les démocrates et les libéraux. Cependant, il n’était pas réactionnaire, ni punitif en ce qui concerne la France. Dans l’ensemble, le traité s’efforçait de rétablir l’équilibre des pouvoirs en Europe et de mettre l’accent sur un ordre politique conservateur tempéré par des concessions aux nouvelles réalités. Le premier effort a été remarquablement réussi, préservant la paix pendant plus d’un demi-siècle, le second effort l’a été moins.